L’orchestre du festival

L’art de la rencontre guide les destinées de Labeaume en Musiques depuis bien des années, au cœur même de l’Ardèche quand il s’agit d’accueillir les artistes que nous recevons, mais aussi bien au-delà des frontières de notre territoire…

Dirigeant à Glasgow un opéra français d’Emmanuel Chabrier, j’entends un soir dans les couloirs du théâtre une magnifique voix de ténor servant avec un goût assuré une mélodie française de Lili Boulanger. Même les artistes français méconnaissent ce répertoire, redoutable et d’une infinie richesse. Le jeune chanteur se prénommait Haydn, était irlandais et étudiait au Conservatoire Royal d’Ecosse : le désir qu’il puisse porter son talent aux oreilles des publics de Labeaume fut immédiat.

De même qu’en dirigeant l’Orchestre de Chambre de Hong Kong, j’entends parler d’un jeune hautboïste étudiant au Conservatoire National Supérieur de Lyon et nommé Ho-Tin. Quelques semaines plus tard, je me retrouve dirigeant une production lyrique à Lyon avec le musicien en question devant moi : très grande sensibilité, magnifique maîtrise instrumentale…

Alors quoi ? Rencontres fortuites ? Hasard sans conséquences ? Un festival est un temple de l’éphémère : nous ne sommes pas un orchestre ou un chœur permanent. Notre art consiste à tisser des rencontres improbables et à les nourrir par des alchimies étonnantes… Haydn rencontrera Ho-Tin en juin prochain à Labeaume et ils joueront avec Mark qui est australien, avec Javier qui est espagnol, avec Claire, Estelle, Héliodore…

Un orchestre de 15 musiciens, jeunes professionnels qui cherchent et explorent leur résonance au monde à travers un art qu’ils maîtrisent déjà remarquablement. Ils répéteront un panel d’œuvres rares dans lequel la musique française se fera la part du lion : Saint-Saëns et son Carnaval des Animaux sur le texte savoureux de Francis Blanche, Lili Boulanger et le cycle de mélodies « Clairières dans le Ciel » et Gabriel Fauré autour de la Bonne Chanson pour voix, quintette à cordes et piano. A ces œuvres riches et sensibles s’ajoutera la bouleversante Symphonie n°4 de Gustav Mahler dans la version pour 14 musiciens d’Erwin Stein (1921) ; Un orchestre jeune pour des publics jeunes : le désir, l’enthousiasme, l’humour, la joie de vivre. Tout cela doit se voir et s’entendre !

Rassembler de telles énergies et de tels talents en Ardèche, c’est toute l’ambition de cet Orchestre du Festival 2024. En permettant au public ardéchois d’écouter et vivre Gustav Mahler et en souhaitant un très bel anniversaire à Gabriel Fauré.
Philippe Forget