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ENTRETIEN avec …

Sofyann Ben Youssef, directeur musical de « Nous sommes pareils à ses crapauds qui… »

 

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Sofyann Ben Youssef, directeur musical de « Nous sommes pareils à ses crapauds qui… » est compositeur, percussionniste et chanteur. Formé à l’institut supérieur de musique de Tunis, il a déjà travaillé avec Ali et Hedi Tabet sur Rayahzone, un spectacle alliant danse contemporaine et musique soufie tunisienne, créé à Bruxelles et Carthages. Il vit et travaille actuellement à Bruxelles. Il sera sur la scène de Labeaume à l’occasion de l’ouverture du festival jeudi 24 juillet.

1. Sofyann, tu es le directeur artistique de « Nous sommes pareils qui… ». Comment es-tu arrivé dans cette aventure ?

Je connais les chorégraphes depuis quelques années. Nous étions ensemble en tournée avec Rayahzone ; j’ai rencontré des musiciens grecs à l’occasion de la tournée et ressenti une complétude entre leur musique et la musique tunisienne. Elles ont en commun la couleur, les modes musicaux. Dans les années 30 l’influence orientale était encore forte dans la musique grecque. On n’a pas cherché de connexions, elles se sont révélées d’elles-mêmes. Ces deux musiques étaient disposées à se rencontrer.

2. Tu as agencé et arrangé ce double répertoire. Tu m’avais déjà parlé d’une chanson tunisienne qui parle de voyage et d’exil. Que signifie la partition du spectacle pour toi?

Le thème de l’exil est très présent c’est vrai. Je suis touché par ce sentiment que chacun peut ressentir, y compris chez soi. Pour moi c’est beaucoup d’émotion, une sorte de nostalgie qui peut prendre différentes teintes et qui appartient à tout-le-monde. Ce serait comme vouloir quelque chose d’absent. Dans ce sens la musique grecque m’a parlé. J’y ai sans doute trouvé un écho à mon histoire. En Grèce je me disais « je suis comme en Tunisie mais pas vraiment ». Ma première impulsion dans la création de la musique de ce spectacle a été ce ressenti.

Ensuite, dans les chansons grecques de cette époque j’ai aussi trouvé une grande justesse dans les constructions poétiques, dans le choix des mots, clairs et directs. Les chansons du rébétiko ont cette grandeur que porte la simplicité. Comme dans les contes, ces histoires sont évidentes, elles ne peuvent pas être mal interprétées et ouvrent en même temps un champs d’identification fort.

3. Peux-tu me dire un mot des musiciens qui joueront ce soir ?

Je voulais faire une alliance entre ces deux musiques, tunisienne et rébétiko, une musique « arabetiko ». En Grèce quand je demandais qui peut me chanter ce répertoire des années 20-30 aux influences turques je ne trouvais personne. Après un mois de recherche infructueuse en Grèce j’ai trouvé Ioannis subitement évident, une voix incroyable et une encyclopédie vivante de la musique grecque. Stefanos Hedi (Hedi Tabet, chorégraphe) l’a rencontré par hasard, on a fait des essais et bien sûr il a intégré l’équipe, lui aussi est très polyvalent avec beaucoup d’expérience dans les groupes de rébétiko. Nidhal est un chanteur tunisien joueur de oud, c’est un ami d’enfance qui a un grand bagage musical. Il était aussi présent sur Rayahzone et faisait partie de l’équipe qui est allé en Grèce la première fois.

4. Comment s’est passé le travail de création concrètement ?

On a fait un premier voyage ensemble en Grèce les chorégraphes et moi-même pour enregistrer des sons, collecter des chansons, rencontrer les gens… Nous avons sélectionné certaines chansons que j’ai réarrangé de manière adaptée au spectacle vivant. Comme elles n’étaient pas inscrites dans ma mémoire, je n’avais aucun préjugé sur la bonne manière de les jouer. Par exemple sur une chanson festive et rapide, au rythme enlevé la mélodie avait quelque chose de fort, je me suis permis d’enlever la rythmique et de faire un arrangement violon voix uniquement. On a gardé cette mélodie, très belle, qui est devenue aérienne et plus triste. Ce qui est incroyable c’est qu’en me faisant traduire la chanson on a découvert le sens des paroles, qui parlait d’un mariage forcé. L’adéquation avec la musique était juste. Pour moi l’intuition était la bonne.

Ensuite nous avons travaillé en étant très proches, danseurs et musiciens. On faisait des allers-retours de nos interprétations, scène par scène. Tout est allé vite, de manière évidente. Là encore certaines scènes de danse proposées rencontraient parfois parfaitement les chansons même quand les chorégraphes ignoraient la langue et le sens des paroles. Ces moments-là sont incroyables et magiques.

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